Chapitre 1

Chapitre 1:

« Vois-tu ce point où le soleil touche les étoiles ? C'est là que mon âme t'attends. »

Cette phrase est la dernière qui figure dans mon livre préféré de ma jeunesse. Tu vas me dire que je suis trop sentimentale et qu'une telle phrase ne saurait se faire entendre dans nos histoires d'amour d'aujourd'hui. Cependant, je me devais d'espérer...
Moi, Philippine Rouget. Moi, j'aspirais à autre chose qu'une simple relation. Moi, je voulais une histoire où l'amour et rien que l'amour ne figurait. Mais je m'étais trompée. L'amour comporte certains risques. Celui de ne pas se relever de la mort de son compagnon, par exemple. C'est l'histoire que je vais te raconter Fanny. Il est temps que tu saches comment s'est déroulée ma première et ma dernière histoire d'amour. 
Comme tu le sais, je suis âgée et fatiguée, j'ai soixante cinq ans. J'ai des cheveux gris, le teint pâle, les joues creuses, les veines qui se voient de plus en plus au niveau du visage et des mains qui ne sont plus ce qu'elles étaient. Elles ne peuvent plus tenir grand chose avec mes crampes qui me les font se crisper à chaque instant. Outre cela, mes rhumatismes, mes aphtes et ma sciatique s'aggravent. Néanmoins, la vieillesse n'a pas altérée ma mémoire. 
Parmi tous ces désagréments, aucun n'est comparable à la nostalgie de mes yeux et la tristesse de mon cœur lorsque mes souvenirs me reviennent... 
C'est pour toutes ces raisons que je suis une personne d'expérience. En tant que personne d'expérience, je me dois de te mettre en garde et de te faire cette confidence : Je n'ai eu que ce garçon dans ma vie. 

-Pourquoi, grand-mère ? 

-Parce qu'au début je n'ai pas cru à son amour, je n'ai jamais pu me relever de l'avoir perdu ce jour... Ce jour où il a été d'autant plus courageux que surprenant...

-Raconte-moi.

-Allons dans le jardin, il fait un temps idéal en cette belle journée d'été. Installons-nous sur la pelouse, nous serons plus tranquille et ce sera plus confortable si je m'installe sur le rocking-chair chair à côté du rosier qui se trouve en face de la rocaille. Ah! Ce rosier, comme j'ai pu l'admirer en ce temps la...
Mais, passons, c'est par une matinée comme celle-ci que tout à commencé... 

A ton âge, à dix sept ans, j'étais comme toi. J'avais de longs cheveux bruns, de grands yeux verts qui donnaient à mon regard un petit côté malicieux, un nez aquillin, une petite bouche et un teint d'albâtre. Contrairement à toi, j'avais des formes peu avantageuses et je n'étais pas toujours d'une humeur à plaisanter. Mon seul plaisir était de me réfugier dans les livres et les études, d'où mon côté romantique et ma phrase préférée. C'est probablement ce côté différent des autres qui a fait que nous nous sommes confrontés l'un à l'autre, tel deux aimants; se repoussant et s'attirant à l'infini. 
Je t'entends murmurer:

« Comment-as-tu rencontré ce garçon ? »

Par un jour comme un autre à la faculté. Je m'en souviens comme si c'était hier. Il faisait beau et chaud en ce matin de septembre. Le ciel était dégagé, les oiseaux chantaient, l'air était pur et frais. Un début de journée parfait, c'est ce que je croyais. 
J'avais les cheveux attachés avec un chouchou, je portais une longue et large tunique bleu (pour cacher mes rondeurs) et des sandales. J'étais dans un couloir de la fac, je marchais jusqu'à mon premier cours de la journée quand je sentis quelqu'un foncer sur moi, me faisant tomber par terre.

-Aïe ! M'exclamais-je. Tu ne pouvais pas faire attention !

-Oh ça va, c'est bon, j'ai pas fait exprès ! 

J'ai compris que c'était un garçon qui parlait alors je lui ai dit en me relevant et en me retournant:

« Non ce n'est pas bon ! Tu me fonces dessus et tu ne t'excuses même pas ! » 

C'est la, c'est à cet instant que je vis son visage pour la toute première fois. 
Il avait des cheveux roux, des tâches de rousseurs, un nez légèrement retroussé, une bouche des plus communes et un léger accent russe qui lui donnait un côté insolent, voire arrogant. Il me semble avoir le même âge que moi. Il portait une chemise à carreau, un pantalon en jean et des baskets.

« Je fais ce que je veux et t'avais qu'à pas être sur mon passage ! »

Quelle impertinence ! J'étais outré !

« Ça c'est la meilleure ! C'est moi qu'on renverse et c'est moi qui reçoit les reproches... »

Il ne me laissa même pas finir ma phrase qu'il partit en courant je ne sais où. 

« Ce garçon est vraiment impoli ! » 

Je ne saurais compter le nombre de fois où j'ai prononcé cette phrase. 
A cause de lui, j'étais en retard. Je me suis rapidement excusé auprès de mon professeur et constata une chose qui me parut insupportable à l'époque. Le fameux garçon qui m'avait renversé tout à l'heure dans le couloir était juste la, au tableau. 
En me voyant, il me fit une grimace dès plus grotesque, mais je n'étais pas surprise étant donné l'aperçu que j'avais eu du personnage peu avant.
Le professeur lui mit une tape sur la tête en lui disant: 

« Enfin, Monsieur Rooselti, un peu de tenu, voyons ! Dois-je vous rappeler que vous êtes en classe ?! »

A ces mots, il s'arrêta et descendit de l'estrade. Moi, je voulais m'assoir au premier rang mais la pire chose que pouvait faire mon professeur s'est produite. Il m'a demandé de me mettre à côté de cette énergumène. J'ai hésité un moment mais voyant que je n'avais pas le choix, je dus m'exécuter. 
A peine m'étais-je assise qu'il recommençait à me faire des grimaces plus ridicules les unes que les autres. Je ne le comprenais vraiment pas. Comment pouvait-il songer à s'amuser alors que nous étions en classe ? En plus de cela, la leçon que l'on étudiait était compliquée. A croire qu'il faisait tout pour m'empêcher d'écouter le cours. 

Énervée, je lui dis: 

"Ce que tu peux être gonflant !

-Attends, tu m'trouves pas drôle ? Dit-il avec un regard suspicieux. 

-Pas le moins du monde !" 

Son visage se pâlit à cette remarque. Visiblement, il l'avait mal pris. C'est vrai que je ne le connaissais pas encore assez pour le juger mais j'avais bien le droit d'essayer de comprendre le cours! Et puis, je ne l'avais pas insulté, je voulais juste qu'il comprenne qu'il m'agaçait. 
Après mur réflexion, je décida de l'ignorer et de faire comme si il n'était pas la. Mais ce n'est qu'après que je me suis rendue compte de la gravité de mon erreur...